Média communiste pour toute l'Europe
fondé par Michèle Mestre
12/1968 · Le socialisme scientifique algérien · p. 9-12
Sommaire de la brochure
  • Éditorial
  • Une civilisation d'une grande richesse
  • Ibn Khaldoun, précurseur de la science historique
  • Colonialisme et personnalité algérienne
  • Un peuple qui jamais ne renonça
  • Trois dates historiques : le programme de Tripoli, la Charte d'Alger, les documents du 19 juin
  • La reconstruction révolutionnaire du parti du FLN
  • Développement économique et planification
  • L'UGTA et la construction du socialisme
  • Armée nationale populaire, base décisive de la révolution
  • Document : « Notre justice doit-être révolutionnaire au service du peuple et à sa portée »
  • L'Union nationale des femmes algériennes
  • Pour une véritable coopération franco-algérienne
  • L'important développement de la coopération Algérie-URSS
  • L'Algérie au premier rang des luttes anti-impérialistes
  • Une grande admiration pour Marx, Lénine et la révolution d'Octobre
  • Karl Marx en Algérie
  • Lénine et les « Thèses d'Avril »
  • Grande révolution d'Octobre, un événement qui a ébranlé le monde
  • Marxisme et socialisme scientifique algérien
  • Ibn Khaldoun, précurseur de la science historique

    Au XIV^e^ siècle, la vie politique est particulièrement agitée dans la partie occidentale du monde arabe, le Maghreb. C’est précisément à cette époque et dans cette région qu’un homme politique va se révéler comme un auteur original et novateur. Ibn Khaldoun, dans son œuvre, défriche le terrain d’une nouvelle science : l’histoire.

    Né le 27 mai 1332 à Tunis, d’une famille implantée en Andalousie depuis la conquête arabe, Ibn Khaldoun reçoit l’éducation qui fait alors un homme cultivé : droit, grammaire, philosophie, théologie. De vingt à quarante-trois ans, il occupe des charges importantes auprès de divers princes maghrébins. En particulier, il est premier ministre de souverains algériens à Bougie et à Tlemcen.

    C’est également en Algérie (près de Frenda en Oranie) qu’il se retire temporairement de la vie politique active et se met au travail pour mener à bien un projet conçu quelques années plus tôt en Espagne, semble-t-il, celui d’une histoire universelle. Dans cette retraite, il rédige en effet, de 1375 à 1379, en même temps que les brouillons de cette histoire, le remarquable ouvrage qui en est l’introduction (Mouqaddima) et fait d’Ibn Khaldoun le précurseur de la science historique.

    Après ce travail de théoricien, Ibn Khaldoun revient à la pratique politique. Il occupe pour l’essentiel, jusqu’à la fin de sa vie, les fonctions de cadi au Caire où il meurt le 25 mars 1406, âgé de soixante-quatorze ans.

    Fonder l’histoire comme science nouvelle

    La civilisation arabe a eu des scientifiques remarquables, que ce soit dans les sciences de la nature : médecins et chimistes, ou en mathématiques. Mais ce qui frappe en premier lieu, à la lecture de la Mouqaddima, c’est la volonté d’Ibn Khaldoun de fonder une science nouvelle. Il en a entièrement conscience :

    « Les discours dans lesquels nous allons traiter cette matière formeront une science nouvelle qui sera aussi remarquable par l’originalité de ses vues que par l’étendue de son utilité ».

    Cette science nouvelle est l’histoire.

    « C’est une science sui generis, car elle a d’abord un objet spécial, je veux dire la civilisation et l’organisation sociale ».

    Son objet est donc spécifique. L’étude historique ne relève pas des branches du savoir déjà existantes, elle est originale. Mais elle a sa place parmi les autres sciences.

    Cela n’a jamais été clairement dégagé par ce que jusqu’alors et dans le meilleur des cas, on a fait de l’histoire que la chronique des dynasties, dans le [10] seul but de flatter les grands ou de charmer la foule. Et certes, la chronique qui date les événements possède un aspect positif. En établissant la chronologie, elle constitue la forme extérieure de l’histoire, le cadre indispensable qui situe les événements étudiés. Mais l’histoire véritable est tout autre chose. Ce qui fait d’elle une science à l’égal des autres sciences est «~ ~l’investigation attentive des causes qui ont produit les événements ». Dès le début de l’introduction, Ibn Khaldoun affirme fortement cet axiome indispensable à la science qu’il veut fonder : les événements historiques ne sont pas seulement successifs, ils se déterminent les uns les autres pour des raisons qui ne tiennent pas à la seule personnalité des princes.

    Tout travail scientifique exige à la fois rigueur dans l’observation et rigueur dans l’explication. En histoire, l’équivalent de l’observation dans les autres sciences est la reconstitution des faits passés ; elle se pratique par l’étude des documents. La rigueur consistera donc dans l’analyse critique de ceux-ci ; la méthode scientifique de l’histoire réclame le préalable d’une critique interne des documents. Il serait trop long de montrer ici avec quelle sûreté méthodologique Ibn Khaldoun étudie toutes les causes possibles d’une falsification des documents et en conséquence toutes les causes possibles des erreurs de l’historien. Il revient longuement sur les défauts dont ce dernier doit se garder dans l’étude des documents : ils vont de la subjectivité inconsciente, de la confiance en l’autorité, du dogmatisme, à la servilité à l’égard des puissants et jusqu’à l’ignorance pure et simple de la cohérence logique. C’est seulement si l’historien est parvenu d’abord à une reconstitution objective des faits qu’il pourra ensuite les rendre compréhensibles.

    Or la mise en évidence des causalités historiques exige à son tour la rigueur dans l’explication. Pour cela, il convient en premier lieu que l’historien dégage ce qu’Ibn Khaldoun appelle des « notions générales sur chaque pays, chaque peuple et chaque siècle ». Cette formulation annonce ce que les historiens et sociologues modernes appellent des catégories, concepts généraux, clairement définis en fonction des ensembles de phénomènes qu’ils désignent. Remarquons qu’Ibn Khaldoun, en précisant que ces catégories sont propres à chaque pays, chaque peuple et chaque siècle, échappe à la spéculation sur l’histoire ou philosophie de l’histoire, qui fera de nombreux ravages dans la pensée européenne jusqu’à nos jours, et qui prétend expliquer toute 1’histoire humaine par une seule notion générale, absolue et purement abstraite. Tout au contraire en effet, pour l’auteur de la Mouqaddima, les catégories historiques ne sont valables que liées à la réalité historique et évoluant avec elle. Ce sont certaines de ces catégories les plus générales que l’on peut traduire ainsi : l’instinct de groupe, la civilisation, la vie nomade et la vie citadine (les deux types fondamentaux de groupements humains dans le monde arabe), la souveraineté, les ma’ash, c’est-à-dire ce qui concerne les moyens d’existence.

    La volonté d’Ibn Khaldoun de fonder l’explication historique dans toute sa rigueur scientifique est telle qu’il pense l’appuyer sur un déterminisme naturel, un déterminisme géographique. Il développe dans la Mouqaddima (l. 148 à 165) une théorie des climats par laquelle il explique les différences des caractères propres à chaque peuple par les divers milieux géographiques. Quelles qu’apparaissent aujourd’hui les limites de cette explication, il n’en reste pas moins qu’elle révèle le souci de son auteur de lier la science historique à l’expérience et celui de montrer que les causalités premières en histoire sont tout aussi naturelles que dans n’importe quel autre domaine du savoir.

    Quatre siècles plus tard, Montesquieu, promoteur de la sociologie politique, usera d’une théorie semblable et avec la même intention dans son Esprit des lois. Quatre siècles plus tard ! C’est dire l’importance historique d’Ibn Khaldoun dans le domaine des sciences sociales.

    D’autant que, pour lui, si l’histoire s’appuie sur la théorie des climats, elle ne s’y ramène pas. Les événements historiques se développent bien sous des conditions géographiques, mais les causes véritables sont autres. Les faits historiques sont essentiellement des faits sociaux et explicables comme tels, sinon l’histoire perdrait sa spécificité. Or « l’histoire, sachons-le, a pour véritable objet de nous faire comprendre l’état social de l’homme, c’est-à-dire la civilisation, et de nous instruire des phénomènes qui s’y rattachent naturellement comme par exemple la vie sauvage, l’adoucissement des mœurs…, les divers genres de supériorité que les peuples obtiennent les uns sur les autres et qui font naître les empires et les dynasties, la distinction des catégories sociales, les occupations auxquelles les hommes consacrent leurs travaux et leurs efforts. »

    Le travail humain est à la base des sociétés et de leur évolution

    La meilleure preuve que la théorie des climats demeure limitée, pour son auteur, est qu’il n’y a pas de nature humaine fixe : l’homme est « fils des usages et habitudes » et « non de la nature ou du tempérament ». Mais cette constatation selon laquelle l’homme est formé par la coutume n’a pas chez Ibn Khaldoun la résonance pessimiste que l’on rencontre chez Montaigne ou chez Pascal ; les hommes ne sont pas les simples jouets de l’histoire. Car, si d’une part ils en sont les produits au sens où il n’existe pas de nature humaine éternelle comme le pensaient les philosophes, car la nature humaine dépend de la société, c’est que d’autre part les hommes font cette société, font leur histoire. De ceci, Ibn Khaldoun prend nettement conscience. Même s’il ne tire pas toutes les conséquences de cette vérité, il en voit bien la raison. Par quelle force les hommes sont-ils créateurs de leur histoire ? Par la force du travail.

    Le génie d’Ibn Khaldoun est de donner toute sa place dans l’explication historique au rôle primordial et essentiel que joue le travail humain, créant les civilisations au fur et à mesure que par lui les hommes dominent le monde :

    « La main de l’homme s’est étendue sur le monde et ce qu’il renferme… Tous les profits et toutes les richesses supposent nécessairement l’intervention d’un travail humain. »

    Cette vérité capitale, qui est au centre de l’intérêt que les révolutionnaires portent à l’œuvre d’Ibn Khaldoun, montre la richesse et l’originalité de ses découvertes. On s’en rend mieux compte si l’on se souvient que la philosophie arabe jusqu’à Ibn Khaldoun s’est nourrie pour l’essentiel d’Aristote1. Or Aristote, avec presque tous les philosophes grecs, n’a que mépris pour le travail manuel, considéré comme une pratique d’esclavage. La civilisation, la société politique sont, pour lui, l’œuvre des seuls citoyens détachés des labeurs serviles. En montrant le rôle civilisateur du travail, Ibn Khaldoun situe à sa vraie valeur, si longtemps méprisée par la philosophie, la pratique humaine du travail.

    [11]

    Dans les traits caractéristiques qui distinguent l’homme des animaux, il place au premier rang à côté des sciences les métiers qui, précise-t-il bien, « ennoblissent » l’homme par rapport aux autres créatures.

    Il n’est pas étonnant alors qu’Ibn Khaldoun tire de cette vérité sur le rôle du travail humain dans l’élaboration de la société des conséquences remarquables, même si dans l’état de la science de son temps il n’en put apercevoir tous les détails.

    1° La valeur des produits dépend du travail effectué :

    « Si ce dont l’homme tire profit, écrit-il, a pour origine un métier, alors le bénéfice qu’il en retire de la sorte représente la valeur de son travail… Si quelque chose n’est pas le produit de son métier, il faut comprendre dans son prix, l’utilité et le gain correspondant à l’incorporation en lui du travail qu’il a fallu pour l’obtenir. »

    2° Le parasitisme social de ceux qui vivent du travail d’autrui doit être condamné :

    « La plupart des gens aisés ont une opinion trop élevée d’eux-mêmes pour s’occuper en personne de tout ce dont ils ont besoin… Aussi choisissent-ils quelqu’un qui vaquera pour eux à ces soins. C’est là un état de choses qui est loin de mériter l’approbation, car il est incompatible avec la dignité naturelle de l’homme. »

    Notons au passage la dernière formule d’Ibn Khaldoun. Elle souligne à nouveau la dignité fondamentale du travail et en conséquence l’indignité qu’il y a aussi bien à ne pas travailler qu’à utiliser abusivement le travail d’autrui.

    3° L’existence et la diversité des classes sociales dépend de la diversité de la production :

    « Il faut savoir que les différences dans les manières de vivre des groupes humains s’expliquent seulement par celles qui ont trait à la façon dont ils obtiennent la portion de bien leur permettant de vivre. »

    Assurément, il ne faut pas oublier qu’Ibn Khaldoun ne met pas en cause l’esclavage quoiqu’il s’élève contre les traitements infligés aux esclaves et se montre favorable à leur affranchissement lorsque cela est possible. Mais la compréhension qui est la sienne du lien entre la hiérarchie sociale et le processus historique laisse apparaître une nouvelle vérité féconde : la vie politique est un effet des événements sociaux.

    De la science historique à la pratique politique : le procès de l’argent

    L’histoire, c’est-à-dire la connaissance du passé, donne le pouvoir de prévoir l’avenir et donc d’agir dan[s]{.smallcaps} le présent. L’autorité politique, l’État, ou ce qu’Ibn Khaldoun nomme souveraineté ou dynastie, est une conséquence de la civilisation historiquement formée et dépend donc des faits sociaux dont le travail, nous l’avons vu, est créateur en dernière analyse. Dans le langage d’Ibn Khaldoun, cette idée est exprimée de la manière suivante : le pouvoir est « la forme de la création et de la civilisation » dont les hommes, les rapports sociaux (vie citadine, vie nomade), les couches sociales, les métiers, etc., sont la « matière ».

    À ce point de l’analyse de la pensée d’Ibn Khaldoun, des remarques importantes sont utiles. La majorité des commentateurs de son œuvre ont insisté sur sa conception politique des cycles des dynasties. Elle adopte la forme suivante. Chaque dynastie ne dure que quatre ou cinq générations. En effet, elle naît d’abord de la conquête, puis affermit son pouvoir et parvient à son apogée économique. Après quoi, les successeurs perdent les qualités entreprenantes des premières générations, s’affaiblissent dans la mollesse du luxe et la facilité. En raison de ce pourrissement intérieur, la dynastie devient la proie facile d’un conquérant nouveau qui va, à son tour, fonder sa propre dynastie, et le cycle recommencera.

    La plupart des commentateurs ont vu dans cette conception cyclique une sorte de désenchantement politique de la part de son auteur, puisqu’elle suppose que jamais une innovation radicale ne change définitivement et irréversiblement l’avenir des hommes. Et certes, certains passages de la Mouqaddima confirment cette impression.

    Mais il est beaucoup plus intéressant de remarquer en premier lieu que la réalité historique que vit et à laquelle participe Ibn Khaldoun confirme le plus souvent ses analyses.

    En second lieu et surtout, il est nécessaire de voir plus à fond quelles raisons Ibn Khaldoun donne à la décadence des dynasties. Ibn Khaldoun, ne l’oublions pas, n’est pas un observateur désengagé. Il participe activement à l’histoire de son temps. L’analyse qu’il donne des causes de la décadence constitue un véritable procès de l’incapacité politique et surtout économique de certains princes de l’époque, de leur administration et des abus auxquels ils se livrent. C’est cet aspect de l’œuvre d’Ibn Khaldoun qui doit retenir notre attention, car c’est à la puissance de l’argent sur le travail humain, à la corruption et à l’anarchie qu’elle suscite, qu’il s’en prend avec violence. Avec le développement du capitalisme, un tel procès de l’argent prend toute sa valeur, bien plus que la théorie des cycles politiques. C’est sur la base d’une analyse semblable, mais que le développement historique rendra plus profonde et plus précise, que Marx portera sa condamnation révolutionnaire des sociétés où domine l’argent.

    Ibn Khaldoun montre avec clarté comment, de l’intérieur même de la dynastie, naît le pourrissement de la décadence lorsque les princes et l’aristocratie, entraînés par leur besoin de luxe, en arrivent aux abus permanents. Guidés par le désir d’accroître sans cesse leurs profits, ils augmentent les impôts, monopolisent des commerces fructueux, dépouillent les agriculteurs et les artisans, exploitent sans vergogne les travailleurs. Les conséquences en sont l’augmentation des prix, l’accroissement de la pauvreté générale, la baisse de la volonté de travail chez les exploités. Les famines s’installent souvent. Le règne du profit à tout prix conduit irrémédiablement à l’injustice et à la décadence.

    « L’injustice ruine la civilisation et ceci se retourne contre la dynastie qui en est corrompue et détruite. »

    Il vaut la peine de citer ici, malgré sa longueur, ce passage où Ibn Khaldoun montre avec vigueur comment l’exploitation du travail par le profit mène la dynastie à sa ruine :

    « Il ne faut pas croire que l’injustice consiste seulement à s’emparer du bien d’autrui et à enlever au propriétaire ce qu’il possède et sans compensation, ni justification, comme on l’admet en général, mais cette injustice s’étend à bien plus de cas : quiconque usurpe le bien d’un autre, ou l’arrache de chez lui pour le faire travailler, ou lui réclame en justice quelque chose sans droit, ou lui impose une obligation qui, selon la loi religieuse, ne lui incombe pas, celui-là commet une injustice à son égard. Lève-t-on des impôts sans droit ? Injustice.

    « S’en prend-on aux biens d’autrui ? Injustice. L’en [12] dépouille-t-on ? Injustice. Refuse-t-on de reconnaître son droit ? Injustice. Ceux qui, d’une façon générale, s’emparent avec violence d’une propriété commettent des injustices. Et les fâcheuses conséquences de tout cela retombent sur la dynastie, quand la civilisation qui en est la substance s’effondre, du fait que les gens ont perdu tout espoir.

    « Une des pires injustices et des plus gravement dommageables à la civilisation, consiste à imposer à d’autres des tâches pénibles et de soumettre sans droit les sujets à la corvée, car le travail fait partie des richesses… Ainsi, toute la peine qu’ils se donnent, tout leur travail sont, pour eux, des richesses, des moyens d’avoir des ressources ; que dis-je, ils n’en ont pas d’autres… Si donc on les force à faire un autre travail que le leur propre, et qu’on leur impose des corvées qui n’ont rien à voir avec leur gagne-pain, ils sont frustrés de la valeur de leur travail. Ils tombent alors dans la misère. Si cela se répète sans cesse à leur détriment, ils se découragent de travailler à la culture, et ils ne font plus aucun effort. C’est ainsi que la civilisation est ruinée et s’effondre…

    « Ce qui explique tout cela, c’est seulement le besoin qu’ont le prince et la dynastie d’avoir plus de richesses. »

    Ibn Khaldoun a lié ses actes à ses idées. Il est intéressant de savoir que lorsqu’il occupa pour la première fois au Caire la fonction de cadi, c’est-à-dire de juge, il fut destitué en raison des inimitiés qu’il s’était attirées de certains puissants pour avoir réprimé des abus et condamné des prévaricateurs.


    Tels sont les points les plus importants qui ressortent de l’œuvre d’Ibn Khaldoun. On peut les résumer en disant que nous sommes en présence d’un effort, à l’époque sans précédent, d’analyse scientifique de la société, analyse faite dans le but que celle-ci s’engage vraiment dans la voie du progrès en rompant avec toutes les formes d’injustice.

    L’œuvre d’un penseur comme Ibn Khaldoun est le témoignage du riche passé culturel et scientifique du Maghreb arabe et en particulier de l’Algérie. Mais plus encore, elle est la preuve des possibilités théoriques et pratiques que l’exploitation de ce passé recèle, aujourd’hui que le peuple algérien a vaincu l’impérialisme et s’est engagé dans la construction du socialisme, c’est-à-dire peut librement mettre en valeur le meilleur de l’héritage de la civilisation arabe.

    Footnotes

    1. De même que la philosophie européenne des XIII^e^ et XIV^e^ siècles. L’apogée de la scolastique médiévale en Europe est marqué par l’œuvre de Thomas d’Aquin, rédigée au XIII^e^ siècle et qui deviendra la philosophie officielle de l’Église catholique. Or, le thomisme, nourri lui aussi d’Aristote, a pu se développer grâce au fait qu’à partir de 1160, on a traduit de l’arabe les ouvrages les plus importants d’Aristote et de ses commentateurs et savants arabes : Avicenne et Averroès. Ce seul point d’histoire de la philosophie montre quelle influence possédait la civilisation arabe sur le monde chrétien qui pourtant, depuis les Croisades, se voulait l’adversaire irréductible de l’islam.