Média communiste pour toute l'Europe
fondé par Michèle Mestre
12/1968 · Le socialisme scientifique algérien · p. 57-58
Sommaire de la brochure
  • Éditorial
  • Une civilisation d'une grande richesse
  • Ibn Khaldoun, précurseur de la science historique
  • Colonialisme et personnalité algérienne
  • Un peuple qui jamais ne renonça
  • Trois dates historiques : le programme de Tripoli, la Charte d'Alger, les documents du 19 juin
  • La reconstruction révolutionnaire du parti du FLN
  • Développement économique et planification
  • L'UGTA et la construction du socialisme
  • Armée nationale populaire, base décisive de la révolution
  • Document : « Notre justice doit-être révolutionnaire au service du peuple et à sa portée »
  • L'Union nationale des femmes algériennes
  • Pour une véritable coopération franco-algérienne
  • L'important développement de la coopération Algérie-URSS
  • L'Algérie au premier rang des luttes anti-impérialistes
  • Une grande admiration pour Marx, Lénine et la révolution d'Octobre
  • Karl Marx en Algérie
  • Lénine et les « Thèses d'Avril »
  • Grande révolution d'Octobre, un événement qui a ébranlé le monde
  • Marxisme et socialisme scientifique algérien
  • L'Algérie au premier rang des luttes anti-impérialistes

    Plus de vingt mouvements de libération ont à Alger soit leur siège, soit une délégation permanente. Pour les peuples opprimés d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine, l’Algérie est le pays qui a conquis, après une longue lutte armée, le droit d’être maître de ses destinées et qui a, depuis son indépendance, identifié toute sa politique à la lutte contre l’impérialisme, ne séparant jamais cette lutte de la construction socialiste en Algérie même.

    De ce fait, dans toutes les confrontations internationales où se discute le sort des peuples des pays dits du « tiers monde », les représentants de l’Algérie jouissent d’une incontestable autorité.

    Le combat engagé par les peuples encore victimes du colonialisme et du néocolonialisme est indissociable, c’est pourquoi leur unité de combat est si importante. C’est ce qu’exprimait particulièrement le président Boumediene, le 17 juin 1967, quelques jours après l’agression israélienne contre les pays arabes, qui déclarait :

    « Nous disons à l’Afrique et aux peuples d’Asie et d’Amérique latine que ce combat est l’affaire de tous, que l’acceptation de la défaite ou des échecs dans une partie quelconque du tiers monde ouvre la porte à l’extension de l’influence impérialiste américaine et au renforcement des forces d’agression…

    « La bataille de Palestine n’est pas limitée aux frontières de ce pays et ne peut pas l’être, car “l’État d’Israël” est une base anglo-américaine, une base impérialiste créée au cœur de la Patrie arabe pour y jouer le rôle d’une force de frappe dirigée contre toute tentative de progrès et de libération, tel un poignard planté au cœur de la Nation arabe. Cette base a été installée par l’impérialisme anglo-américain afin de sauvegarder ses intérêts militaires et économiques et de semer la discorde au sein des pays arabes… Après Le Caire et Damas, c’est Alger qu’il visera, car en Algérie, un peuple vaillant s’est soulevé le 1er novembre 1954 pour détruire les bases impérialistes, car en Algérie une forteresse qui appartenait hier au colonialisme s’est transformée en une base de la Révolution socialiste ».

    Plusieurs années après l’indépendance de l’Algérie, le peuple algérien continue à être mobilisé, car il sait que ses objectifs ne seront atteints qu’avec la victoire des peuples sur l’impérialisme, objectifs que définissait avant même l’indépendance la Charte de Tripoli (juin 1962) :

    « L’élan des mouvements de libération en Afrique, en Asie et en Amérique latine, la consolidation de l’indépendance dans les pays anciennement colonisés, l’action des forces démocratiques dans les pays impérialistes et le progrès des pays socialistes accélèrent la désintégration du système de l’impérialisme…

    « La grande leçon de notre guerre de libération, c’est de nous avoir appris que, devant la poussée irrésistible des peuples, la concurrence des pays impérialistes a cédé le pas à leur solidarité, malgré la persistance des contradictions mineures…

    « Devant la constance des dangers qui continuent à menacer notre pays, la politique extérieure de l’Algérie indépendante doit demeurer fermement guidée par les principes d’une lutte conséquente contre le colonialisme et l’impérialisme, pour le soutien des mouvements pour l’unité du Maghreb, dans le monde arabe et en Afrique, l’appui aux mouvements de libération et la lutte pour la paix…

    « Cette politique extérieure est le corollaire indispensable à la réalisation de nos objectifs internes. Elle permettra à notre pays d’atteindre les objectifs de la révolution démocratique et populaire et de participer à la construction d’un monde nouveau. »

    Que rien ne soit à reprendre aujourd’hui à ces analyses et à la définition de la politique de l’Algérie indépendante montre combien cette élaboration avait déjà un caractère scientifique. La compréhension que la politique intérieure, l’action en matière économique, la politique extérieure sont étroitement liées a permis à l’Algérie d’avancer dans la voie révolutionnaire que traçait si nettement déjà la « Charte de Tripoli ».

    Organiser les forces anti-impérialistes d’Afrique

    C’est évidemment au niveau du continent africain que l’Algérie agit le plus efficacement en faveur de l’organisation des forces anti-impérialistes.

    Les forces qui en Afrique s’opposent à l’impérialisme sont en effet très diverses, dans leur nature, leur niveau politique, leur degré d’organisation, le contexte national dans lequel elles se trouvent placées. Par ailleurs, l’impérialisme ne reste pas inactif et s’emploie à diviser voire à opposer ces forces, sachant bien que leur action coordonnée représente pour lui la fin de son règne.

    Consciente de la responsabilité particulière qui est la sienne, l’Algérie s’est toujours employée à l’élaboration d’une plateforme commune d’action, allant le plus loin possible dans la lutte que les peuples d’Afrique doivent mener contre l’impérialisme.

    En septembre 1968, s’est tenu à Alger, le V^e^ sommet de l’OUA, l’Organisation de l’unité africaine. Trente-neuf États africains représentés par leurs plus hauts responsables ont participé à cette session de l’OUA placée sous le signe du renforcement de l’Unité de l’Afrique et de sa lutte pour la liberté et la prospérité.

    Dans son discours d’ouverture, le Président Boumediene devait déclarer : « C’est la tâche de notre siècle de mettre un terme au colonialisme ».

    L’OUA a affirmé sa solidarité à la lutte des peuples d’Afrique du Sud qui luttent contre les régimes colonialistes barbares qui les tiennent [58] encore sous leur joug.

    Elle s’est prononcée contre la sécession katangaise et a donné son soutien au Nigéria victime lui aussi de manœuvres sécessionnistes. Les représentants du soi-disant « État du Biafra » n’ont pu assister au sommet d’Alger de par la volonté de la plus grande partie des représentants des États africains indépendants. La lutte pour l’unité du Nigéria est indissociable de la lutte pour l’unité de l’Afrique, de la lutte contre l’impérialisme et toutes les formes de colonialisme.

    Le Ve sommet de l’OUA a révélé la place capitale que l’Algérie occupe en Afrique face aux menées impérialistes. Le peuple algérien et ses dirigeants ont une haute conscience de leurs responsabilités. Avec persévérance, patience et opiniâtreté, ils s’emploient à combattre l’influence de l’impérialisme et à unir toutes les forces révolutionnaires qui aspirent à rendre aux peuples d’Afrique leur dignité et leur indépendance.

    La Charte d’Alger des 77

    À l’automne 1967, 77 pays du « Tiers Monde » ont pu établir la « Charte d’Alger des 77 », plateforme qui leur a permis d’aller à la Conférence de New Delhi (sur le commerce et le développement, février-mars 1968) en présentant à l’impérialisme un front commun. Le front n’ayant pu être entamé par les pays impérialistes, cette conférence du CNUCED n’a pas atteint les objectifs que ses organisateurs (l’ONU) se proposaient. Mais une évidence s’est imposée : c’est le principe du pillage par les pays impérialistes des richesses du « Tiers Monde » qui est en cause ; les intérêts des peuples de ces pays et ceux de l’impérialisme sont inconciliables ; on peut toujours discuter du prix des matières premières, mais c’est le problème de l’existence de l’impérialisme qui se pose. L’Algérie avait déjà joué un rôle essentiel à la Conférence des 77. À New Dehli, le remarquable discours du ministre algérien Abdessalam a fortement contribué à ce que le problème soit posé sur le plan politique et à ce que les représentants des « 77 pays » prennent pleinement conscience des méfaits de l’impérialisme et de la nécessité de s’unir pour lui faire face.

    Le combat contre les trusts pétroliers

    Sur un plan plus précis, les pays producteurs de pétrole se présentent face à l’impérialisme exploiteur en ordre dispersé, certains pays préférant se contenter des miettes que les compagnies pétrolières veulent bien laisser aux gouvernements locaux. Là encore, l’Algérie œuvre avec fermeté pour que les pays producteurs de pétrole se regroupent et par là modifient le rapport des forces avec les exploiteurs capitalistes. Et pour ce qui la concerne également dans ce domaine, l’Algérie donne l’exemple d’une résistance individuelle aux trusts pétroliers, montrant comment un pays producteur de pétrole peut progressivement s’approprier ses richesses nationales.

    La tenue à Alger d’une conférence anti-monopole des travailleurs du pétrole où les syndicats algériens de cette branche se sont retrouvés avec les syndicats français, italiens, soviétiques démontre combien est important le combat de l’Algérie contre les trusts pétroliers.

    Cette conférence, dont certains espéraient qu’elle ne pourrait se tenir à Alger, a décidé la création d’un Comité permanent d’action antimonopoliste. D’autre part, dans la résolution générale, les objectifs suivants ont été particulièrement fixés à ce regroupement antimonopoliste, où le mouvement syndical joue un rôle déterminant : combattre pour que tous les travailleurs du pétrole disposent d’un salaire décent sans distinction d’origine, de nationalité, d’âge ou de sexe ; combattre pour la réduction du travail à 40 heures par semaine et la reconnaissance du rôle, de la place et des droits des syndicats dans toutes les entreprises du Cartel.

    La lutte contre le sionisme « Vietnam, Palestine, Afrique… créer deux, trois, quatre… plusieurs Vietnam »

    C’est ce titre qu’El Moudjahid portait en gros caractères dans son édition du 27 juillet 1968.

    L’Algérie a été l’un des premiers pays du monde à reprendre la formule de « Che » Guevara : « Créer un, deux, trois, plusieurs Vietnam ». La solidarité au combat révolutionnaire du peuple vietnamien est sans faille en Algérie. C’est pourquoi les rapports d’amitié entre les deux peuples sont si étroits.

    Le peuple algérien n’a jamais combattu pour le faux mot d’ordre : « Paix au Vietnam ». Depuis le premier jour, il lutte pour la victoire du peuple vietnamien et donc pour la défaite de l’impérialisme US. Par de multiples formes, il aide le peuple frère vietnamien qui a dans le peuple algérien l’un de ses plus solides alliés.

    L’Algérie ne cesse de dénoncer la politique de Johnson et celle de tout l’impérialisme américain. Mais elle sait aussi, en contrepartie, donner son soutien le plus total, à la lutte révolutionnaire du peuple noir nord-américain.

    C’est ainsi qu’à son retour d’Hanoi, le leader du « pouvoir noir » Stockely Carmichaël a reçu à Alger un accueil enthousiaste, l’accueil qui était naturellement dû à un frère de combat.

    De même pour ce qui est du combat révolutionnaire du peuple palestinien, l’Algérie donne à celui-ci un appui sans réserve.

    Jamais l’Algérie ne cédera devant Israël. Il faut qu’Israël disparaisse pour que le colonialisme soit chassé de la terre arabe et que le peuple palestinien puisse reconstruire sa patrie et y bâtir le socialisme.


    L’Algérie socialiste se trouve placée dans la lutte contre l’impérialisme dans une position exceptionnelle. Il n’est jusqu’à sa position géographique qui ne lui donne encore davantage d’importance. L’Algérie se trouve être à la charnière entre deux mondes, celui des pays capitalistes d’Europe et celui des peuples d’Afrique et du Moyen-Orient. La Méditerranée est le point de rencontre entre trois continents : Europe, Afrique, Asie ; le point de rencontre entre les pays capitalistes, le monde arabe et les pays socialistes. Quant à l’importance stratégique de la Méditerranée, la présence de la VIe flotte US est là pour en témoigner.

    L’action révolutionnaire de l’Algérie en faveur des peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine ne peut que se développer. Mais les peuples d’Europe aussi ont et auront de plus en plus dans l’Algérie un allié certain, un allié qui ne peut que leur être d’une grande aide dans leur propre combat anti-impérialiste.