Communistus

Média communiste pour toute l'Europe

fondé par Michèle Mestre

9 mars 2023 · no 79

26 septembre 1939 : la dissolution du PCF

Bonjour,

Les neuf mois de septembre 1939 à juin 1940 forment le début de la période où l’existence du PCF a été la plus critique. Je voulais écrire cette suite de l’histoire du PCF, après “l’horreur du Front populaire”. Or, les quelques mois qui vont de 1938 (gouvernement Daladier) à 1940 (invasion nazie de la France) nécessitent un énorme développement qui reprend tous les thèmes. J’ai trouvé cet article de 2017 de Louis Poulhès sur le sujet. Il est long. Il apparaît complet. Il se concentre autour de septembre 1939.

L’opinion de Louis Poulhès diffère de toute la bibliographie. Le pacte germano-soviétique est marginalisé. Il n’est pas la cause. Il n’a rien provoqué. C’est l’incident final d’une longue préparation anticommuniste. La dissolution était programmée.

Moi, j’en restais, pour l’essentiel, à la contestation de la thèse de la direction du PCF en 1964 : « Menacée par une guerre qui se serait déclenchée contre elle dans les conditions les plus défavorables, l’Union soviétique, le 23 août [1939], signe avec l’Allemagne [nazie] un traité de non-agression. Elle évite ainsi le traquenard qui lui était tendu et brise le front des États impérialistes dont elle était menacée. Le traité conduira à l’isolement ultérieur des États fascistes et prépare contre eux la coalition des États démocratiques que l’U.R.S.S. a vainement préconisée pour éviter la catastrophe. » “Histoire du Parti communiste français (manuel)”, dir. J. Duclos et F. Billoux, Éditions sociales, 1964, « La trahison des trusts : la drôle de guerre et le régime de Vichy (septembre 1939-fin 1942)”, p. 368

On peut apprécier ce genre de défense de l’URSS : la direction du PCF justifie en 1964 la signature du traité avec les nazis. Mais il est clair que cette direction du PCF s’en tient à sa ligne “démocratiste”. C’est mieux de faire “la coalition des États démocratiques”. Il est clair que, menacée, l’Union soviétique pouvait signer avec l’Allemagne nazie ou avec la France et la Grande-Bretagne impérialistes. Mais l’important, pour tous les communistes, c’est la survie de l’État soviétique et de son expérience révolutionnaire. N’en déplaise aux sociaux-démocrates, la France impérialiste qui massacrait ses populations coloniales dans le monde entier, qui laissait Franco et les franquistes massacrer les républicains espagnols, qui dissolvait les organisations communistes et populaires par centaines n’avait rien à envier aux nazis. Je sais que c’est aller contre l’opinion admise. Mais il faut que les communistes fassent leur cette opinion. Nous pouvons et nous devons y revenir encore et encore. Si nous voulons gagner, lors du prochain assaut, il faut en finir avec les illusions sur la “démocratie” de la bourgeoisie, sur la “gauche” de l’impérialisme.

Lisez attentivement le papier de Louis Poulhès. Vous verrez que les partis de l’impérialisme que sont le parti radical et la SFIO (pari socialiste) ont programmé la disparition du parti communiste. Cela, des mois et des mois avant le pacte germano-soviétique.

Je ne peux m’empêcher de gloser sur le titre du chapitre de “L’Histoire du Parti communiste français” de 1964 : “La trahison des trusts…” Comme si l’on pouvait attendre une quelconque “fidélité” des trusts. Pour ne pas avoir à dire le rôle direct, unique, immense de “la gauche” dans la dissolution du PCF, les auteurs osent ce titre risible…

Louis Poulhès insiste, moins que je ne l’aurais fait, sur la démobilisation profonde des militants. Il y a ceux qui croient au “démocratisme” : un tiers des élus abandonne le parti. Il y a surtout ceux qui ne comprennent plus rien. Ils se voient privés de leur presse, de leurs lieux de réunion. La préparation à la clandestinité n’a pas été assurée.

Louis Poulhès a écrit beaucoup d’autres livres et articles. • Louis Poulhès, L’État contre les communistes, 1938-1944, Atlande, 2021 • Louis Poulhès, « Une opération de séduction : la libération de prisonniers politiques par les occupants à l’été 1940 », Guerres mondiales et conflits contemporains, 2018/2 (n° 270), p. 109-120 (URL:<www.cairn.info/revue-guerres-mondiales-et-conflits-contemporains-2018-2.htm>) Il y a en a beaucoup d’autres…

Le prochain article porte sur la Résistance, le refuge à Moscou, le refuge à Alger. Dans cette période le pire côtoie le meilleur. Mais le Parti vit, toujours en danger.

J’essaie - comme on me l’a demandé - de me muer en auteur.

Amitiés révolutionnaires

Michmich


Bonsoir,

L’article de Louis Poulhès est un exemple de mauvaise littérature communiste. Au lieu de dresser le bilan des manquements de la direction du parti et des communistes, il dresse une liste de griefs contre le gouvernement impérialiste. Cela implique que Louis Poulhès pense que le parti a eu raison de s’allier avec les impérialistes social-démocrates dans le Front populaire.

À l’inverse, nous pensons que le Front populaire, c’est la trahison du mouvement démocratique (grèves de 1936) par la direction du PCF. Cultiver le légalisme au sein du parti révolutionnaire à l’heure de la guerre impérialiste est criminel. À la suite de cette trahison, nos camarades, frères et sœurs, ont été enfermés dans des camps et tués. Aucune justice ne leur a été rendue. La leçon n’a pas été retenue : la trahison est filée par l’alliance gaullo-communiste dans les années 1940.

Lorsque les artifices médiatiques seront épuisés, que la fuite et le désistement ne seront plus une option, que ferons-nous ? Voilà la question qui s’impose à nous dès aujourd’hui. Prendrons-nous le parti des communistes (quelles que soient nos réticences et nos critiques à l’endroit de la Chine, de la Corée, du Vietnam, du Laos, de Cuba) ? Ou prendrons-nous le parti de l’impérialisme franco-européen ? Posons-nous la question immédiatement parce que c’est la seule question qui vaille dans notre siècle. Il en va de la réussite de notre révolution prochaine.

Fraternellement, Paul-Amour


Bonjour,

Le premier paragraphe de l’intervention de Paul-Amour me semble trop négative. Ce qui, évidemment, veut dire que les autres paragraphes vont bien. L’article de Louis Poulhès - dont j’ai conseillé la lecture - n’est pas un article de “littérature communiste”. C’est un article d’histoire. J’insiste. Il n’y a pas d’histoire communiste et/ou d’histoire anticommuniste. Il y a l’histoire et il y a la non-histoire. Que cette dernière soit dominante en notre pays et en notre siècle est une évidence. Mais Louis Poulhès peut s’honorer de faire partie des historiens qui font de l’histoire. Il a établi la liste de tous les coups de pique que l’impérialisme français a envoyé pour la “dissolution du PCF”, avant la dissolution du 26 septembre 1939. Il est clair que pendant ces 18 mois d’avril 1938 (gouvernement Daladier) au 26 septembre 1939 (dissolution), la direction communiste n’a pas pu, n’a pas su impulser la moindre opposition au danger réactionnaire. Ce n’est pas la faute à Louis Poulhès si - comme nous l’avons dit - la direction du PCF était engluée dans ses illusions “démocratistes”, dans ses illusions sur la “gauche impérialiste”. C’est même la leçon principale de “l’horreur du Front populaire”. Les Maurice Thorez, Jacques Duclos et autres se sont impuissantés (rendus impuissants) eux-mêmes. Ils ont ouvert la voie au Parti radical et à la SFIO (parti socialiste), le premier aurait été un héritier le la grande Révolution française (!!!), le second aurait fait partie comme le PCF des “partis marxistes”. On croit rêver. Donc, je vous le demande, lisez l’article de Louis Poulhès. Il montre comment - en se mêlant à une mascarade dangereuse du type NUPES - on prend le risque de courir à l’écrasement.

Embrassades révolutionnaires

Micmich