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fondé par Michèle Mestre

1er août 2024 · no 212

PCF : Jaurès, Sahara occidental

Bonjour,

PCF : L’Humanité commémore les 110 ans de l’assassinat de Jaurès

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Une de L'Humanité du 1er août 1914

Il est malheureux que notre parti commémore encore Jaurès. Deux cadres nationaux se fendent de communiqués sur Twitter (reproduits ci-dessous).

Fabien Roussel, secrétaire national du PCF : « Il y a 110 ans, Jaurès était assassiné. Sa grande voix ne s’est jamais tue. Nous restons les héritiers de ses combats pour la paix, le droit des peuples, un monde émancipé du capitalisme, la République sociale, laïque et universaliste. »

Fabien Gay, sénateur PCF et directeur de L’Humanité : « Combat contre l’extrême droite, unité de la gauche, “Salaire, Paix, Climat” (sic). Nous avons rendu hommage à Jean Jaurès, fondateur de @humanite_fr, assassiné il y a 110 ans par un nationaliste Raoul Villain. Rendez-vous à la prochaine @FetedelHumanite pour continuer le combat ! »

Que notre parti s’exprime, nous nous en réjouissons ! Il faut maintenant que nos cadres se forment pour soutenir la cause du peuple et de la révolution.

Jaurès est certes le père de L’Humanité. Mais à la vérité ce journal est le trésor de guerre des communistes. L’Humanité est le symbole de notre force et de notre victoire au congrès de Tours en 1920. Notre histoire de L’Humanité ne débute donc pas avec Jaurès, mais avec la défaite de sa ligne politique.

Jaurès est le fossoyeur du mouvement révolutionnaire post-Commune en France et en Europe. Au XXe siècle, Jaurès en est resté aux vieilles oppositions pré-Commune : il défend la République contre des périls réactionnaires. Cependant, depuis la Semaine sanglante de 1871, la République est assassine et les républicains sont les pires ennemis des peuples. Il ouvre la voie à deux pratiques qui affaiblissent encore aujourd’hui notre lutte. D’une part, il manigance toute sa vie en faveur de “l’unité de socialistes” et de leur participation totale à la République assassine. De l’autre, Jaurès use de toute son influence pour entériner la “voie pacifique vers le socialisme”, c’est-à-dire l’abandon de la révolution et, en conséquence, de toute lutte pour le socialisme.

En cette fin de XIXe siècle, Jaurès feint de ne pas voir que le monde a changé, que la République française est à la pointe de l’invention d’une forme nouvelle de gouvernement capitaliste, l’impérialisme. Pendant près de trente ans, Jaurès et ses compagnons inventent les valeurs de la gauche impérialiste. Dans ses discours, Jaurès souille l’héritage de Marx et induit le peuple en erreur. L’apogée de sa pensée se résume ainsi : la gauche est la meilleure dirigeante de l’impérialisme.

Evidemment, j’entends déjà l’historien me rétorquer que Jaurès est mort avant l’entrée en guerre en 1914 et que nous ne pouvons présumer de ce qu’il aurait fait. Mais à la vérité les jeux étaient déjà fait à l’heure de son assassinat. Les cadres socialistes étaient patriotes, les cadres socialistes voulaient défendre l’impérialisme français, les cadres socialistes voulaient l’Union sacrée. En Europe, un seul socialiste lutte alors conséquemment contre la guerre impérialiste : c’est Vladimir Ilitch Oulianov dit Lénine. L’existence de Lénine est la preuve de la nocivité de Jaurès.

La mémoire de Jaurès ne devrait pas être mobilisée comme celle d’un martyr. Ce fut un traitre intégral à la cause de la révolution communiste en France, en Europe et dans le monde.

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Une de L'Humanité lors du congrès de Tours en décembre 1920


La position du PCF sur le Sahara occidental

À l’occasion des 25 ans de règne du roi du Maroc Mohammed VI, le président français E. Macron a adressé une lettre de soutien sans équivoque au “plan d’autonomie marocain” dans les territoires occupés de la République arabe sahraouie démocratique. La France considère désormais que « le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine ». «Pour la France, l’autonomie sous souveraineté marocaine est le cadre dans lequel cette question doit être résolue. Notre soutien au plan d’autonomie proposé par le Maroc en 2007 est clair et constant ». Le plan marocain « constitue désormais la seule base pour aboutir à une solution politique juste, durable et négociée conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies ». Macron a aussi souligné «l’intangibilité de la position française sur cet enjeu de sécurité nationale pour (le) Royaume ». « Il est temps d’avancer », a-t-il écrit, ajoutant : « J’encourage donc toutes les parties à se réunir en vue d’un règlement politique, qui est à portée de main. »

Le chef de la diplomatie sahraouie, Mohamed Sidati, a, pour sa part, fustigé la position française : « Le gouvernement français ne s’en cache plus : en déclarant officiellement ces jours-ci soutenir le plan d’autonomie marocain, c’est l’occupation violente et illégale du Sahara occidental que la France soutient ».

L’Algérie avait qualifié la décision française d’« inattendue, inopportune et contre-productive », soulignant que «les puissances coloniales, anciennes et nouvelles, savent se reconnaître, se comprendre et se tendre des mains secourables ».

Fabien Roussel, dans un camping en Corse, en juillet 2024, lors d'un entretien pour le <cite>Figaro</cite>
Fabien Roussel, dans un camping en Corse, en juillet 2024, lors d'un entretien pour le Figaro

Le PCF a sorti trois communiqués officiels à ce sujet (reproduits ci-dessous).

Fabien Roussel : « Emmanuel Macron trahit la position historique et équilibrée de la France sur les droits du peuple sahraoui comme sur les résolutions de l’ONU. Il ouvre une crise diplomatique grave pour poursuivre le pillage de l’Afrique, dont les grandes richesses naturelles du Sahara Occidental. »

« Sahara occidental : le Président de la République agit contre le droit international.

Ce 30 juillet 2024, le Président de la République, Emmanuel Macron, dans un courrier adressé à Mohamed VI, roi du Maroc, a radicalement fait évoluer la position française traditionnelle en assurant le souverain marocain que “le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine”.

Ce plan balaye les espoirs du peuple sahraoui dans sa lutte pour l’indépendance et renforce le gouvernement marocain dans sa guerre coloniale.

Ce courrier assure également « que le plan d’autonomie marocain est la seule base pour aboutir à une solution juste, durable et négociée conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies ». Or, le Sahara occidental est un territoire non-autonome qui ne peut être placé sous souveraineté marocaine. A la suite de l’Union africaine et de l’ONU, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) par ses arrêts de décembre 2016, de juillet et novembre 2018 et de septembre 2021, a rappelé que le Sahara occidental dispose d’un “statut séparé et distinct” par rapport au territoire marocain et que son peuple relève du droit à l’autodétermination et à l’indépendance.

Cette prise de position personnelle du Président de la République, qui agit sans gouvernement ni majorité, est une erreur historique qui a déjà d’importantes conséquences. Le gouvernement algérien a décidé du retrait avec effet immédiat de son ambassadeur en France.

Le Parti Communiste Français condamne la position du Président de la République, partage l’exigence de respect du droit international défendue par le Front Polisario et la République Arabe Sahraouie Démocratique, et est pleinement engagé pour la liberté et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, contre le colonialisme.

Le PCF exige que la France agisse pour :

  • Un cessez-le-feu immédiat, suite à la rupture de celui-ci en 2020 par le Maroc.
  • L’application de la résolution de l’ONU pour mettre en place un référendum d’auto-détermination avec les 11 conditions proposées en 1991.
  • Le respect des arrêtés de la CJUE

À Paris, le 31 juillet 2024, Parti communiste français. »

« Réaction du Sénateur des Bouches-du-Rhône, Jérémy BACCHI, à la prise de position du Président Emmanuel MACRON sur la souveraineté du Sahara Occidental.

Les populations sahraouies doivent pouvoir choisir leur destin. En reconnaissant la souveraineté du royaume marocain sur ce territoire indépendant, Emmanuel Macron valide l’entreprise coloniale entamée dans le sang et la violence par Hassan II et poursuivie par le monarque actuel au mépris du droit international.

Par là même, Emmanuel Macron trahit la position traditionnelle et équilibrée de la France. Il piétine les résolutions des Nations Unies qui prévoient l’organisation d’un référendum d’autodétermination et il encourage tous les régimes de la région à engager des aventures militaires expansionnistes.

Personne ne sera dupe des motivations économiques qui sous-tendent cette prise de position. C’est bien de l’accaparation des richesses naturelles du Sahara Occidental dont il s’agit. Malgré les discours de circonstances, le pillage de l’Afrique continue avec son lot de compromissions et d’abandons des principes et du droit international.

La prise de position d’Emmanuel Macron est un insupportable retour en arrière ; une honte pour la France qui célèbre dans le même temps, à travers l’olympisme, la paix universelle et la fraternité universelle.

Plus que jamais, il est indispensable de mettre fin au colonialisme partout sur la planète et de garantir, par le droit international, la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes. »

Commentons à la suite les passages soulignés :

  • “position historique et équilibrée de la France”, “position française traditionnelle”, “retour en arrière” : Ces affirmations sont une honte absolue. La France n’a jamais soutenu le peuple saharaoui. Ne pas soutenir franchement un peuple colonisé, ce n’est pas une position équilibrée, c’est une position coloniale.

  • “résolutions de l’ONU”,“conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies”, “Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) par ses arrêts”, “garantir, par le droit international, la liberté des peuples” : Voilà tout le programme du parti ? Nous nous en tenons désormais au droit international rédigé par les impérialistes ? Ce même droit international qui, loin de “libérer les peuples”, garantit leur domination.

  • “grandes richesses naturelles”, “motivations économiques” : Le motif économique est évoqué comme source de la volonté coloniale marocaine et du soutien français. Il n’en est rien. Certes, le Sahara occidental est une région riche en ressources halieutiques et en phosphates. Mais cela n’explique rien.

  • “position personnelle du Président de la République, qui agit sans gouvernement ni majorité” : Le parti dévoile ici sa réelle intention. Le soutien aux Saharaouis serait-il un simple moyen de critiquer Macron pour qu’il nomme une première ministre “de gauche” ? Nous espérons que ce n’est pas le cas. Faut-il rappeler une fois de plus que la position de Macron n’est pas nouvelle ? Faut-il rappeler que la défense et la politique étrangère sont les domaines réservés du président de la République française ?

  • “encourage tous les régimes de la région à engager des aventures militaires expansionnistes” : Cette déclaration allusive est, une fois de plus, une honte. Avant que de condamner qui que ce soit, il eut été judicieux de rappeler le rôle de la France dans la déstabilisation du Sahara-Sahel ces vingt dernières années. Ensuite, malgré l’absence de précision, ce que la phrase laisse penser c’est qu’il existe des régimes expansionnistes en Afrique. On voudrait bien savoir lesquels ! Cette critique détournée de la nouvelle alliance militaire entre le Niger, le Mali et le Burkina Faso est déplacée. Camarade Bacchi, tenterais-tu de nous faire croire que le danger est autre que la France au Sahel ? Pour rappel, un communiste lutte d’abord contre son propre impérialisme.

Pour conclure sur une note positive, nous sommes heureux que ces débats s’engagent au sein du parti, mais il nous faudra collectivement être beaucoup plus clairs et offensifs pour ébranler et vaincre l’impérialisme français.

À bas le colonialisme marocain ! À bas l’impérialisme français !

Vive la révolution !

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