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Média communiste pour toute l'Europe

fondé par Michèle Mestre

5 avril 2024 · no 174

Giorgia Meloni, leader de l’impérialisme européen

Après l’Allemagne et la France, l’Italie est la troisième puissance économique et politique de l’Union européenne (UE). C’est un des grands pays de l’impérialisme.

Le 25 mars 1957, la signature du Traité de Rome crée la Communauté économique européenne (CEE) avec le Marché commun agricole. Six pays forment l’âme incassable du bloc impérialiste de l’Europe de l’Ouest (Allemagne, France, Italie, Benelux). Encore aujourd’hui les habitants de ces six pays représentent la moitié des habitants de l’UE. En termes de puissance économique, les Six possèdent aussi la moitié du PIB des Vingt-Sept.

En 1993, la CEE devient l’Union européenne. Avant de passer au premier plan, l’Italie avait besoin d’une longue période d’adaptation. Elle a historiquement un problème de structure. Les nations qui la composent sont profondément distinctes et s’organisent en fonction de trois capitales. Pour aller vite, l’Italie a trois villes de trois millions d’habitants (Milan, Rome et Naples) qui sont chacune à la tête d’un tiers de l’Italie. Milan est la capitale industrielle, avec une agriculture très puissante et très mécanisée. C’est l’Italie padane (de la plaine du Pô). Rome est la capitale historique, centrale depuis l’empire romain. Le pouvoir pontifical de l’évêque de Rome (pape) en fait un espace à double État (Italie et Vatican). Naples est la capitale du sud. Le romancier Carlo Levi, en 1945, écrit que « Le Christ s’est arrêté à Eboli ». C’est dire d’une étrange manière que le sud de l’Italie serait un peu en retard.

En 1992-1993, l’opération de justice Mani pulite (« mains propres ») apparaît comme une révolution impérialiste, avec 4 000 inculpations qui débouchent sur la disparition de tous les partis politiques italiens. Dans un prochain article, nous développerons la lutte contre les mafia, la lutte contre les Brigades rouges et l’autodissolution du Pari communiste italien (1991).

C’est le magnat de presse Silvio Berlusconi (1936-2023) qui sort politiquement gagnant de ce maxi-procès. Il se veut grand modernisateur de la vie politique italienne. Il s’appuie sur son empire médiatique Mediaset. Il est président du Conseil des ministres de 1994 à 1995, de 2001 à 2006 et de 2008 à 2011.

Pour l’impérialisme italien, tout semble s’accélérer en 2022 à la prise de fonction du président du conseil des ministres Giorgia Meloni, chef du parti Frères d’Italie.

Le « premiérat » (premierato) de Giorgia Meloni

Tout n’est pas nouveau dans le projet de Giorgia Meloni. Le terme premierato a été écrit d’abord dans le projet constitutionnel bicaméral de 1997 de Massimo D’Alema. Dans le projet Cesare Salvi, le Premier ministre était élu directement par le peuple et il était appelé « Premier ministre ».

On cherche des ressemblances avec les systèmes britannique et allemand. Le premier ministre de Grande Bretagne est nommé par le roi qui choisit le chef du parti qui a la confiance de la Chambre des communes. Le premier ministre choisit les autres membres du cabinet. En RFA, seul le chancelier – et non l’ensemble du gouvernement – demande aux chambres un vote de confiance. Le chancelier a alors le pouvoir de nommer et de révoquer les ministres, une prérogative qui n’est pas prévue pour la nouvelle constitution italienne.

Le 3 novembre 2023 le conseil des ministres italien approuve le projet de loi constitutionnelle de Giorgia Meloni. Le 15 novembre 2023, il est présenté au sénat. Une commission en commence l’examen le 23 novembre 2023. Une navette est prévue avec deux passages au sénat et deux à la chambre de députés. Cette navette permet en principe d’éviter le recours au référendum.

Le texte vise à constitutionnaliser un quota pour l’élection des parlementaires. On attribue une prime majoritaire de 55% d’élus à la coalition qui soutient le président du conseil élu. L’organisation est donc assez différente du régime semi-présidentiel de la France. Mais après 70 ans d’instabilité parlementaire, l’Italie s’engage clairement dans la voie d’un pouvoir fort, qui garantit des étapes stables de cinq ans. Le président du conseil a les mains libres pendant cinq ans.

Le plan Mattei

Le 25 octobre 2022, lors de l’investiture à la chambre des députés, Giorgia Meloni discourt sur la « nécessité pour l’Italie de promouvoir un rapport renouvelé avec l’Afrique ». Elle évoque le plan Mattei, décrit comme un « modèle vertueux de collaboration et de croissance entre l’Union européenne (UE) et l’Afrique, qui permettrait d’éradiquer les causes de l’immigration et de lutter contre la diffusion du radicalisme islamiste en Afrique subsaharienne. »

Meloni place le plan sous la figure tutélaire d’Enrico Mattei (1906-1962), créateur de l’entreprise pétrolière nationale ENI, mais aussi ancien commandant du groupe résistant les « Flammes vertes ». La mémoire d’Enrico Mattei évoque les rivalités franco-italiennes au Maghreb, que ce soit le soutien apporté par ENI au FLN algérien durant la guerre d’indépendance et les accusations sur la mort d’Enrico Mattei dans un accident d’avion en 1962.

L’Italie tente ainsi de prendre le leadership en Afrique pour le compte de l’Europe. Elle abandonne sa politique hostile à l’immigration. Elle la subordonne à une politique de coopération avec les pays fournisseurs de main d’œuvre au profit de toute l’Union européenne. Giorgia Meloni possède décidément une finesse politique rare en Italie. Mais le tropisme anti-immigration de certains dirigeants impérialistes italiens pourrait être difficile à contourner.

Le sommet Afrique-Italie (28-29 janvier 2024)

Les prétentions italiennes sur l’Afrique ne sont pas nouvelles, elles remontent à la période fasciste. À l’époque, l’Italie fasciste avait entreprit la colonisation de la Libye, de l’Ethiopie et de l’Erythrée. En Europe, l’Italie fasciste occupait les Balkans (Albanie…) avec l’Allemagne nazie.

C’est le sujet sur lequel s’accordent toutes les forces de l’impérialisme italien.

C’est avec le gouvernement de Matteo Renzi que l’Italie a renoué avec sa politique africaine. De 2014 à 2016, il effectue trois visites en Afrique (Mozambique, Congo, Angola, Éthiopie, Kenya, Nigeria, Ghana et Sénégal). C’est Matteo Renzi qui a eu cette vision.

Sous le gouvernement Gentiloni, le ministre de l’Intérieur Marco Minniti évoque le « traitement à la source du problème de l’immigration » par le « développement en Afrique ».

Le gouvernement Mario Draghi, ex-président de la BCE, ouvre la voie à la réorientation d’ENI vers l’Afrique. Cette stratégie est continué aujourd’hui par le gouvernement Meloni. Avec la guerre d’Ukraine, ENI a dû revoir sa stratégie d’approvisionnement pour remplacer le gaz russe.

Cette tentative de prise de pouvoir sur la politique africaine de l’UE reste toutefois à relativiser. Lors du Sommet Italie-Afrique, qui a rassemblé à Rome26 chefs d’Etat et de gouvernement africains, Meloni annonce dédier à l’Afrique un budget de 5,5 milliards d’euros. A son tour, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen rappelle que l’UE prévoit 150 milliards d’investissements dans son plan européen pour l’Afrique (Global gateway).

Dates clés de la présidence Meloni (2022)

2022

  • 21 juillet – Mario Draghi présente (à nouveau) la démission de son gouvernement ; le président Mattarella dissout le Parlement.

  • 25 septembre – élections générales anticipées remportées par la coalition de centre droit, composée de Frères d’Italie (Giorgia Meloni), Lega (Matteo Salvini), Forza Italia (Silvio Berlusconi), Nous, modérés (Maurizio Lupi). La coalition promet des baisses d’impôts, la « défense de la patrie », une réforme de l’UE et le soutien à l’OTAN et à l’Ukraine. Elle insiste sur les « racines historiques et culturelles classiques et judéo-chrétiennes de l’Europe et de son identité », l’arrêt de l’immigration en ouvrant des centres de traitement des demandes d’asile en dehors de l’UE, l’augmentation du taux de natalité et une réforme judiciaire pour « mettre fin aux procès médiatiques » (pour défendre Silvio Berlusconi).

  • 22 octobre – Giorgia Meloni, président du Conseil des ministres italien.

  • 3 novembre – Le premier ministre, pour son premier voyage à l’étranger, se rend à Bruxelles pour rencontrer les dirigeants des institutions européennes.

  • 6-7 novembre – La première ministre assiste au sommet de la COP27 à Charm el-Cheikh, en Égypte. La présidente Meloni y a des réunions bilatérales avec le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, le président israélien Isaac Herzog, le Premier ministre britannique Rishi Sunak et le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed Ali.

  • 10 novembre – Le premier ministre reçoit le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, au Palazzo Chigi.

  • 12 novembre – Les ministres de l’Intérieur de l’Italie, de Malte et de Chypre ainsi que le ministre grec de la Migration et de l’Asile signent une note commune adressée à l’Union européenne dans laquelle ils expriment la déception de leurs pays face au non-respect des accords de relocalisation des migrants après leur arrivée dans les États de première arrivée et confirment la réticence et l’impossibilité de prendre en charge la question de manière indépendante. La note stigmatise également le comportement des ONG définies comme « non conformes au droit international ».

  • 15-16 novembre – Le premier ministre, accompagné du ministre de l’Économie et des Finances, se rend à Bali, en Indonésie, pour assister au 17e sommet du G20. Au cours du sommet, le premier ministre a tenu des réunions bilatérales avec le président US Joe Biden, le premier ministre canadien Justin Trudeau, le premier ministre australien Anthony Albanese, le président turc Recep Tayyip Erdoğan, le président chinois Xi Jinping, le premier ministre indien Narendra Modi et le président du Conseil européen Charles Michel.

  • 15-16 décembre – La présidente du Conseil assiste à son premier Conseil européen à Bruxelles.

2023

  • « L’année 2023 marque l’entrée en vigueur du Traité du Quirinal signé entre la France et l’Italie, mais aussi celle de l’anniversaire des deux ans de sa signature le 26 novembre prochain », déclarent l’Ambassadeur de France en Italie, Martin Briens, et l’Ambassadrice d’Italie en France, Emanuela D’Alessandro.

  • 22 janvier – Le Premier ministre se rend en Algérie. Au cours de ce voyage, le PDG d’ENI, Claudio Descalzi a signé de nouveaux accords au nom de l’Italie avec la société énergétique publique algérienne Sonatrach.

  • 28 janvier – Le premier ministre se rend en Libye. Au cours du voyage, des accords ont été conclus à la fois dans le secteur de l’énergie, avec la compagnie pétrolière nationale libyenne National Oil Corporation, et dans le domaine du renforcement des garde-côtes libyens pour lutter contre l’immigration illégale.

  • 11 juin (16 juillet) – La Première ministre, accompagnée de son homologue néerlandais Mark Rutte et de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, se rend en Tunisie, où ils rencontrent le président Kaïs Saïed dans le but de parvenir à un protocole d’accord entre l’Union européenne et la Tunisie pour sa stabilisation.

  • 14 juin – Le Premier ministre et le gouvernement, ainsi que d’autres hautes fonctions de l’État, divers chefs d’État et de gouvernement étrangers et d’autres personnalités éminentes de la politique, du sport, de la télévision et du divertissement, assistent aux funérailles nationales de Silvio Berlusconi, décédé le 12 juin 2023.

2024

  • Présidence italienne du G7

  • janvier-février – L’Italie signe un protocole d’accord avec l’Albanie pour la création d’une zone d’accueil des migrants hors UE.

  • 28-29 janvier – Un « Sommet international Italie-Afrique » se tient au Palazzo Madama, sur proposition du gouvernement italien et à l’occasion du début de la présidence du G7, afin de présenter le Plan Mattei, avec la participation de toutes les nations du continent africain, de divers représentants de grandes entreprises, d’organisations internationales et de banques de développement, avec le président de l’Union africaine Azali Assoumani, le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, le président du Conseil européen, Charles Michel, et la vice-secrétaire générale des Nations unies, Amina J. Mohammed.

  • 22 février – La présidence italienne du G7 organise une réunion par vidéoconférence de ses dirigeants consacrée à l’Ukraine, avec la participation du président Zelensky, à l’occasion des deux ans du lancement de « l’opération militaire spéciale » russe.

  • 9 juin – Élections européennes.

  • 13-15 juin 2024 – Sur la côte adriatique (Pouilles), Giorgia Meloni accueille le sommet des chefs d’État du G7.

Contre les impérialistes de France, d’Italie et d’Europe : la révolution communiste !

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