Communistus

Média communiste pour toute l'Europe

fondé par Michèle Mestre

1er février 2024 · no 159

L’Union européenne, la Hongrie et l’Ukraine

Bonjour,

Les informations ne faiblissent pas en provenance de la Palestine. Comme nous l’écrivons depuis plus de trois mois, le conflit s’élargit géographiquement. Il s’approfondit et s’éclaircit politiquement. Mais toujours, toujours, les Palestiniens résistent. Ils portent des coups très durs aux forces sionistes.

Notre attention est attirée en même temps sur deux fronts liés à l’Union européenne :

  • La lutte des classes dans l’agriculture européenne. Une lutte revendicative et politique a commencé chez les agriculteurs. Au début, cela a démarré en Allemagne. La revendication a vite gagné la France. Au total, des manifestations agricoles ont lieu dans au moins neuf Etats-membres sur vingt-sept : Allemagne, Belgique, Espagne, France, Grèce, Italie, Lituanie, Pologne, Roumanie. Nous publirons dans les heures qui viennent un numéro de “Communistus” consacré uniquement à la crise agricole en Europe.
  • L’opposition hongroise à l’« aide » à l’Ukraine. Depuis 2014, l’Union européenne mène une guerre contre la Russie par l’intermédiaire de l’Ukraine. Au sommet européen de décembre 2023, Viktor Orbán, Premier ministre hongrois, s’est opposé à l’aide financière de 50 milliards d’euros de l’Union européenne à l’Ukraine. Un petit pays de 10 millions d’habitants (moins de 1 % du PIB de l’UE) bloque une décision importante pour l’impérialisme européen. Contre l’opposition hongroise, l’Union européenne fait mine de montrer la porte de sortie à la Hongrie. C’est ce deuxième front européen nous intéresse aujourd’hui. Comme nous allons le voir, l’Union est une école de compromis et de sagesse.

Décembre 2023 : « La Hongrie ne cédera pas au chantage »

Viktor Orbán, en décembre 2023, ne s’est pas opposé aux négociations d’adhésion de l’Ukraine à l’UE. Il a seulement quitté la salle au moment de la décision. Cette décision n’a aucune importance politique et financière pour le moment.

Cependant V. Orbán a mis son veto aux 64,6 milliards d’euros supplémentaires du budget européen (2024-2027). Cette augmentation comprend une aide de 50 milliards pour l’Ukraine (33 milliards de prêts et 17 milliards de dons). V. Orbán ne veut pas que cette aide soit intégrée au budget européen afin que la Hongrie n’ait pas à y contribuer.

Surtout, la Hongrie voudrait recevoir les 21 milliards d’euros de fonds (post-Covid et aides régionales) gelés à cause des atteintes à « l’État de droit » et de la corruption endémique.

János Bóka, ministre hongrois des Affaires européennes déclare, que « la Hongrie ne fait pas de lien entre le soutien à l’Ukraine et l’accès aux fonds européens ». « La Hongrie considère que cet argent est retenu sans raison », estime un groupe de réflexion proche du gouvernement hongrois. Aux élections hongroises, 99 % des électeurs ont coché la réponse « Ne payons pas plus pour l’Ukraine tant que nous n’avons pas reçu les fonds qui nous sont dus ». L’exercice est profondément faussé, mais ces chiffres donnent un prétexte à Orbán.

L’UE pourrait créer un fonds spécial destiné à l’Ukraine afin de contourner un veto hongrois. Ce serait un processus lourd et politiquement hasardeux. Il faudrait passer par les vingt-sept parlements nationaux. Et surtout, ce serait donner le point à Orbán. D’autre part, verser sans aucun changement les fonds retenus, ce serait aller à l’encontre des traités et vider de son sens la clause de respect de l’État de droit du fonds de relance « Next Generation EU » alimenté par un emprunt commun.

Orbán a esquissé un compromis : il accepte que les 50 milliards d’euros soient inclus dans le budget européen, mais il faut que les Vingt-Sept votent chaque année (à l’unanimité) le déblocage d’une tranche d’aide. L’Union européenne a aussitôt rejeté la proposition. Les partenaires européens veulent un accord à Vingt-Sept. La pression sur la Hongrie est maximale. Une pression politique, mais aussi pécuniaire. Si elle venait à s’opposer frontalement à l’UE, la Hongrie perdrait tous les fonds communautaires.

Ce débat interne à l’UE est extrêmement intéressant. Il montre des différences qui ne sont visiblement pas mortelles. Orbán n’est qu’un social-démocrate – proche en même temps du national-socialisme – que l’UE pense pouvoir utiliser, en cas de besoin, pour des relations différentes avec la Russie. Il n’y a en réalité aucun risque de rupture.

C’est pourquoi au Conseil européen du trimestre suivant…

Décision du Conseil européen du 1er février 2024

Les Vingt-sept de l’Union européenne se sont mis d’accord jeudi 1er février 2024 pour une aide financière de 50 milliards d’euros sur quatre ans à l’Ukraine, jusqu’alors bloquée par le premier ministre hongrois Viktor Orbán.

Le président du Conseil européen, Charles Michel, a annoncé cet accord qui permet (peut-être) un financement « stable et prévisible » pour l’Ukraine. Cette « aide » inclut, on le sait, 33 milliards d’euros de prêts et 17 milliards d’euros de dons. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a qualifié ce jour de « bon pour l’Europe ». L’Ukraine a salué la « contribution » de l’Union européenne à une « victoire commune » sur la Russie.

Le premier ministre ukrainien, Denys Chmygal, a souligné la solidarité des États membres de l’UE dans la résistance à la guerre avec Moscou. Tous les acteurs du drame savent maintenant qu’il s’agit d’un scénario de guerre. Personne ne pourra plus s’en écarter à peu de frais.

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