Communistus

Média communiste pour toute l'Europe

fondé par Michèle Mestre

28 novembre 2023 · no 145

La question de Staline

Bonjour,

En novembre 1963, “Le Communiste” - groupe politique et organe de presse fondé en août 1954 par Michèle Mestre et Mathias Corvin - formule une autocritique définitive sur la question de Staline. Il s’agit d’un débat ouvert par un article du Parti communiste chinois (PCC) publié en français dans “Pékin Informations”. Le groupe “Le Communiste” est alors constitué en “Tendance révolutionnaire du Parti communiste français”. En décembre 1969-janvier 1970, “Le Communiste” devient l’organe du “Comité d’action contre la guerre mondiale”. Nous donnons à lire la traduction française de l’article chinois de “Pékin Informations” (13 septembre 1963). La Direction du “Communiste” mène une discussion serrée avec les camarades chinois. Nous ne répétons pas ce que disent les textes que nous publions. Il faut les lire. Il est extrêmement important de comprendre l’originalité et l’honnêteté profonde de la démarche. “Le Communiste” comprend des membres issus de la “pensée trotskiste” et d’autres issus de la “pensée stalinienne”. Il rejette “définitivement la notion de stalinisme”, et se donne la possibilité de sortir des pensées exclusives. Il met l’accent sur le devoir des révolutionnaires de “reconnaître et réparer les erreurs”. C’est en cela que l’expérience effectuée par “Le Communiste” est exceptionnelle. Juger le camarade Staline, c’est juger 45 ans de dictature du prolétariat (depuis 1917). Les problèmes souvent désignés comme des “erreurs” de Staline ne tiennent pas à un secrétaire seul mais à toute la période. “Le Communiste” se porte héritier de ces 45 ans dans leur ensemble, au moment où d’autres détachements du mouvement s’enfoncent dans la collaboration des classes, l’adhésion à la théorie grandement fautive du passage par des voies pacifiques au socialisme et l’adoption de la “coexistence pacifique” d’États à régimes sociaux différents. Parmi eux, il y a le Parti communiste de l’Union soviétique, les partis communistes de France, d’Italie, d’Espagne…

Nous retenons comme un héritage précieux ce devoir de critique et d’autocritique.

Iosip Djougachvili, connu sous son nom de guerre Joseph Staline (“en acier”), est né en 1879. Il est de huit ans le cadet de Lénine. Nous aurons à écrire leur biographie utile. Nous savons que la proximité politique avec Lénine est totale. Par son habileté en “exactions” (c’est-à-dire en actions illégales), Staline fournit à la jeune organisation bolchevik les moyens financiers de vivre et de faire vivre ses “révolutionnaires professionnels”. Staline participe à la direction de la Révolution d’Octobre 1917 avec Lénine - et avec Trotski qui vient de rejoindre les bolcheviks. La guerre civile jusqu’à la fin 1921 marque le “communisme de guerre” et la création d’un État soviétique de type nouveau. À la mort de Lénine (janvier 1924), une lutte politique de 5 ans oppose partisans de Staline et de Trotski. En 1929, ce dernier est contraint (par le parti) de s’exiler en Turquie, puis en France, en Norvège et enfin au Mexique (où il est assassiné en 1940). Pendant ce temps - à travers des affrontements très violents - la révolution soviétique franchit des étapes décisives avec l’adoption de la Nouvelle économie politique (NEP), l’industrialisation intensive et la collectivisation de l’agriculture. En juin 1941, les nazis attaquent l’URSS et rencontrent une nouvelle puissance à qui les décennies de lutte pour le communisme ont donné la force de vaincre. La victoire de mai 1945 marque le début d’intenses difficultés. Les impérialistes ne peuvent accepter le statut de superpuissance de l’Union soviétique. Une étrange concurrence réunit la montée de la Révolution mondiale (avec la victoire du 1er octobre 1949 en Chine populaire) et l’effondrement de la fougue révolutionnaire des Soviétiques.

Toute la question de Staline réside en cela.

Après la collectivisation de l’agriculture, Staline pense qu’il faut passer encore quelques étapes dans la révolution pour avancer vers la société sans État. L’universitaire étatsunien Grover Furr qui a accès en russe aux archives donne des hypothèses sur cette évolution. L’analyse du 19e Congrès en 1952 du Parti communiste (qui devient seulement alors le PCUS) montre que Staline accepte de lâcher les rênes du Parti pour consacrer le poids politique des institutions civiles. Staline y perd visiblement la majorité. Dans les mois qui suivent la “nomenklatura” du PCUS l’élimine. Il est laissé mourant dans sa datcha pendant plusieurs jours en mars 1953. Il meurt sous l’oeil de Nikita Khrouchtchev et d’autres dirigeants. Son successeur immédiat, un autre Géorgien, Beria, ne tient que 112 jours contre ses opposants. Une vague de détissage des acquis de la révolution a lieu. Elle aboutit en 1956 au “rapport secret” de Khrouchtchev qui accuse Staline d’avoir cédé au “culte de la personnalité” et surtout d’avoir mené des actions illégales pour accuser et faire tomber ses adversaires. Tandis que des dizaines de millions suivent en pleurant l’enterrement de Staline dans le monde, une accusation en règle est menée par Nikita Khrouchtchev et ses sbires. En 1956, un déchirement violent coupe le mouvement communiste. L’impérialisme profite de cette faiblesse interne des communistes pour mener une campagne sans précédent dont le mouvement révolutionnaire n’est toujours pas remis…

Voilà ce qu’on peut dire, ce qu’on doit dire. Non, le camarade Joseph Staline n’est pas “une grande question”. Le “culte de la personnalité” pourrait être une question religieuse mais ce n’est pas une caractéristique politique.

Nous reviendrons encore de nombreuses fois sur l’histoire du mouvement communiste.

Communistus