[Impérialistes et anti-impérialistes]
Bonjour,
Le bulletin Michèle Mestre n°13 diffère notablement des précédents.
Nous introduisons une vaste question de stratégie et de tactique impérialiste et anti-impérialiste. Nous avançons des hypothèses qui demandent à être confortées ou abandonnées, en tous cas elles doivent être discutées.
Selon notre conception, en 1962, le fléau de la balance de la lutte entre l’impérialisme français et ses opposants, s’est arrêté à un cinquième du territoire (550 000 km²) et 50 millions d’habitants d’un côté (France au nord et partout dans le monde), contre 2 millions de km² et 20 millions d’habitants de l’autre (Algérie au sud et partout dans les cœurs). C’est selon nous une guerre civile d’un nouveau genre.
À l’évidence, depuis 60 ans, cette guerre civile continue. On peut le constater en regardant « Le bureau des légendes » à la télé, en lisant par exemple Alexis Jenni, « L’art français de la guerre » (Prix Goncourt 2011) et autres œuvres. Il y a la puissance très spécifique en France du Front/Rassemblement national sur la base du « racisme » pied-noir, qui n’est pas un racisme mais une haine de classe très marquée. On pourrait s’étendre très longuement sur ce thème.
En 2011, le président Sarkozy a jeté une boule maléfique dans le jeu de quilles. En agressant sauvagement la Libye, en assassinant son président Mouammar Kadhafi, en opérant des actes de pillage contre le pétrole libyen, en laissant se développer un mouvement de populations désespérées sur les mers… Il en est résulté (directement ou indirectement) des mouvements humains et politiques de l’est vers l’ouest africain qui ont été assimilés au « terrorisme ».
En 2013, le président Hollande s’en est servi pour organiser une terrible intervention militaire qui a fini par rassembler cinq États du Sahel (Tchad, Niger, Burkina Faso, Mali, Mauritanie) contre un invisible et impalpable terrorisme. L’impérialisme français a tenté d’entrainer dans cette croisade une Union européenne un peu réticente. De nombreux mouvements sociaux et politiques ont agité tous ces pays africains, avec des coups d’État, des révoltes populaires, des manifestations contre la France, etc. Finalement les dirigeants du Mali ont porté l’estocade. La présence des armées françaises y a été déclarée « non grata ». L’opération militaire française en a subi un coup d’arrêt, que nous espérons définitif.
Le balancier semble revenir un peu en faveur de la lutte anti-impérialiste.
« El Moudjahid », le 2 août 2022, donne en première page un résumé de l’intervention du président Tebboune : « Stature méditerranéenne, profondeur africaine, rôle axial dans le monde arabe, puissance économique émergente… » La lecture quotidienne du journal conforte cette vision active du rôle de l’Algérie.
Contre le projet maladroit d’un gazoduc bancal autour de l’Afrique de l’ouest, trois pays Nigeria, Niger et Algérie financent un projet transsaharien de plus de 4 000 km de long (40% en Algérie). Il débouche sur la Méditerranée par les divers ports d’Algérie et de Tunisie. Il concerne l’Europe par un franchissement de la mer entre Tunisie et Sicile et les ports gaziers déjà actifs à Fos. À la fin, 30 milliards de mètres cubes par an seront acheminés. Plus qu’un complément aux gazoducs qui viennent de Russie en Allemagne. On sait que la coopération de la Russie avec l’Algérie est déterminante dans ce projet.
Les « nouveaux chemins » de la Chine concernent l’Algérie. L’ouverture d’une énorme mine de fer dans la région de Tindouf est un projet structurant. La carte montre cette exploitation à la frontière du Sahara occidental et du Maroc. C’est sans doute, sans tambour ni trompette, la mise en place d’un projet anti-impérialiste très important pour le Sahara et la Méditerranée.
Résumé Histoire - L’Algérie est indépendante à l’issue de huit ans de guerre de libération (1er Novembre 1954-5 juillet 1962). La présence coloniale française a duré 132 ans (1830-1962). Le Front de libération nationale (FLN) sort vainqueur politiquement de la guerre. Ahmed Ben Bella (1962-1965) puis Houari Boumediene (1965-1978) sont les deux premiers présidents de la République algérienne démocratique et populaire. Avec un projet socialiste, et l’aide militaire de l’URSS, le FLN gouverne le pays, en parti unique, jusqu’en 1989. La révolution socialiste n’est plus mentionnée en 1976 (Charte nationale). L’Algérie est proche du mouvement des non-alignés dont elle assume la direction.
Début de la guerre civile en 1991, « décennie noire », affrontement entre les militaires de l’ALN, qui détiennent le pouvoir légitime, et les divers groupes islamistes (AIS, GIA, GSPC). La fin des assassinats et des enlèvements marque la victoire sur un terrorisme de masse en partie téléguidé de l’extérieur. En 1999, l’élection d’Abdelaziz Bouteflika, ancien ministre charismatique de Boumediene, marque le retour de l’ordre civil. Il doit, au terme de quatre mandats successifs (vingt ans), renoncer à un cinquième mandat le 2 avril 2019.
Son successeur est, en décembre 2020, Abdelmadjid Tebboune.
Michmich