Prendre le pouvoir dans les cités populaires
An 2 · n°104 - mardi 13 et mercredi 14 juin 2023 - Prendre le pouvoir dans les cités populaires
Bonjour,
De vive voix, par téléphone et par internet, un débat un peu sec a démarré. Il n’est pas possible de retrouver les mots exacts de Mireille et de Paul-Amour. Par contre Laurence a écrit. Communistus répond par écrit. Le mieux c’est de donner leurs textes. Évidemment, le débat ne se terminera même pas avec le succès de la révolution, mais il convient de continuer à débattre.
Fraternellement
Michmich
De : Laurence An 2 · n°104 - mardi 13 juin 2023 – Défendre le P.C.F. À : Communistus.eu
Bonjour Communistus !
En tant qu’informatrice de ce qui se passe à Marseille et dans sa région, je tenais à défendre autant que faire se peut les camarades du Parti. J’étais, ce samedi matin [10 jujin 2023], au rassemblement devant la mairie; nous y étions, même, puisque j’avais rameuté mes camarades de la section. Je ne le regrette pas. J’ai été soulagée de constater que le parti communiste français affirme enfin sa volonté de se trouver de nouveau du côté des classes populaires et abandonnées de la ville et d’ailleurs. Il faut avoir vu pleurer une mère de famille, communiste, fille et petite-fille de communistes du 14ème arrondissement, n’ayant elle-même jamais quitté ce quartier: elle a peur pour ses filles, dit-elle et elle exprime sa détresse de voir son lieu de vie abandonné de tous, et surtout de son parti. Le parti communiste, c’était les quartiers populaires. Aujourd’hui, combien de nous y vivons encore? Alors bien sûr, aujourd’hui, le parti n’a pas les solutions, ne connaissant plus les clés ni les leviers. Mais samedi, le RN n’était pas à la mairie; c’est déjà une petite victoire! A nous, communistes, d’en écrire la suite. La volonté y est. Nous jetterons le bébé avec l’eau du bain s’il le faut mais donnons nous une chance de sortir par le haut, pour une fois!
Les bises
Laurence
Réponse de Communistus à Laurence An 2 · n°104 - mercredi 14 juin 2023 – Avec le P.C.F., prendre le pouvoir dans les cités
Bonjour,
Après Paul-Amour et Mireille, Laurence informe Communistus que le dernier numéro 103 n’est pas satisfaisant. D’abord, nous présentons nos plus plates excuses à tous ceux que nous avons heurtés. Ce n’était pas le but recherché. Parce qu’il y a dans le tract du PCF 13 les expressions « droit au bonheur », « dix propositions pour des jours heureux » et « un été heureux », nous sommes avons trop vite fait un lien avec le livre de Fabien Roussel, Les jours heureux sont devant nous, dont nous avons parlé le 1er juin. Faire des rapprochements c’est bien… mais les expliquer, les rendre clairs, c’est beaucoup mieux. Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, encore tout à sa justification de la campagne électorale présidentielle d’avril 2022 et des législatives qui ont suivi, ne dit rien des cités populaires des villes, sinon pour constater l’abstention massive des habitants. Laurence a donc raison de constater que « le parti communiste français affirme enfin sa volonté de se trouver de nouveau du côté des classes populaires et abandonnées de la ville et d’ailleurs ». Cent pour cent d’accord. C’est bien que le Parti intervienne en juin 2023 plutôt que d’attendre 2024 pour les élections européennes… Mais c’est pour cela que nous avons dit : « À quoi nos camarades ont-ils pensé ? » Ce n’est pas une expression rhétorique. Nous voyons très clairement nos camarades en train d’écrire à leur bureau. Et nous nous demandons quelle vision ils ont des cités populaires. Nous y avons vécu plusieurs dizaines d’années. Avec un grand bonheur. Certains militants de la fédé 13 aussi. Ils ne peuvent pas vraiment résumer avec : « Assassinats – drogue – armes – mal vie – ça suffit ! » Les quatre phénomènes ne sont ni comparables ni assimilables. Mais ils dessinent une société que nous ne pouvons accepter…
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Les assassinats liés à la drogue (23 morts à Marseille en 2023) proviennent de l’organisation maffieuse de la société en France. Dans un « État de droit », comme ils disent, ça ne devrait pas exister. Mais ça existe. Et probablement parce que des forces économiques et politiques hostiles pensent y avoir un intérêt. Dans les années 1950, on parlait déjà de Marseille comme d’un « Chicago ». Depuis 70 ans, les morts se sont accumulés dans les séries télévisées, dans les films et dans la vraie vie. Cela va très loin. Il faut changer la perspective politique. Pour arrêter l’organisation maffieuse de la société, il faut la remplacer par une société de conseils (soviets en russe) avec la dictature du peuple tout entier. Donc il faut orienter le peuple (à Marseille et partout) vers la fin (violente) de la société maffieuse, donc vers une république des conseils avec la dictature du peuple tout entier. C’est ce qu’on appelle la Révolution socialiste. En attendant, ce ne sont pas les milliardaires capitalistes qui se font assassiner : Ce sont nos enfants, les enfants de nos quartiers.
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La drogue entraîne l’existence d’une économie parallèle, tout aussi capitaliste que l’officielle, mais qui permet la redistribution de milliards d’euros, sans liens avec la légalité. On peut analyser cette masse financière comme la base économique de la maffia. Mais on doit noter toutes les connections avec l’économie capitaliste officielle. Le refus de légaliser la consommation de « l’herbe » introduit dans ce circuit illégal les millions de fumeurs qui ne sont que « consommateurs ». Avant la Révolution, donc, il n’y a le choix qu’entre « tolérer » la drogue en légalisant et accepter l’existence d’une économie parallèle. Il va sans dire que la diminution drastique de la consommation montrera après la révolution qu’on a atteint un niveau supérieur de la vie en société. Il est illusoire de penser que la multiplication des policiers et des douaniers constitue une solution. Plus on réprime, plus les prix grimpent et plus l’attrait économique de l’illégal grandit. Politiquement, il faut faire prendre conscience que nous vivons dans une société duelle, où une part non négligeable de la population accepte – en en ayant plus ou moins clairement conscience – ce « double pouvoir ».
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Les armes proviennent aussi du secteur informel de l’économie capitaliste. Nos politiques depuis 1944 n’ont pas arrêté un seul jour de faire la guerre à tous les peuples de la terre. Les armes sont fabriquées en France, vendues en France. Sans parler de la montée des tensions en Afrique sahélienne ou aux Comores, l’incitation militariste qui tourne autour de l’Ukraine fait que les armes sont toujours plus présentes dans les actualités de l’Union européenne. On valorise les assassins nazis en Ukraine. On leur tresse des éloges. On suit pas à pas le « cirque mortifère » du président Zelenski. Dans nos cités, les mêmes armes servent aux mêmes intérêts : On cherche à terroriser le peuple. On ne peut se fermer les yeux. En France, des millions d’armes circulent dans les villes et dans les zones rurales. Leur nombre augmente sans cesse. D’habiles artisans savent et peuvent en multiplier le nombre et la puissance. Il n’est pas possible d’être la deuxième ou troisième puissance militaire au monde sans avoir à en payer le prix. Mais savoir si la présence de tout ce matériel ne sera pas quelque jour considéré comme favorable à l’instauration de la dictature du peuple tout entier ?
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La mal-vie est un terme très inapproprié. Les dealers détiennent des moyens économiques liés à leur « commerce ». Les familles nombreuses n’ont certes pas les mêmes moyens. Il y a translation des moyens d’une façon opaque. Mais elle a lieu. Par exemple, dans les années 1980-90, la fermeture des boutiques a désertifié le petit commerce dans les cités populaires. Mais le phénomène a fini par se répandre sur tout l’espace social. Villes et campagnes. La fracture numérique crée une division entre des couches autrefois proches. L’âge est peut-être un élément déterminant en ce domaine. Mais il n’est pas le seul. Il y a clairement en France des mal-logés, des chômeurs, des familles endettées. Mais un réseau d’associations (Resto du cœur, Secours populaire, Secours catholique, Cimade, etc.) veille à ce que le décrochage n’aboutisse pas à des situations létales. Enfin, de 2020 à 2022, la pandémie du COVID a montré l’horreur d’une société qui accepte les morts par centaines de milliers. Les hôpitaux ont été débordés. Les travailleurs de la santé ont été pris à contrepied. On a beaucoup critiqué la politique « zéro COVID » de la Chine populaire. Mais cette politique a montré qu’il est possible de refuser la « mort annoncée ». En France, c’est le « quoiqu’il en coûte » que Macron et ses ministres ont mis en place. Une garantie donnés aux riches qu’ils ne perdront rien. Perspective d’horreur.
En conclusion, additionner les handicaps (assassinats, drogue, armes, mal-vie) ne permet pas d’envisager une solution à chaque malheur pris isolément. Seul le Parti communiste a le savoir et les moyens intellectuels nécessaires. Le premier lieu où s’organise la réponse du peuple c’est dans les cellules et dans les sections. Il faut multiplier les rencontres, étouffer les peurs que nos ennemis sont prompts à susciter. Une cellule doit décider d’organiser une « garde contre la drogue » avec des panneaux explicatifs, avec des perspectives politiques, et une surveillance populaire intense, des associations locales tout autour, dans les cités. Il est certain que là le “petit marché” de drogue disparaîtra. Il n’y aura pas d’affrontement. Si le “petit marché” ne fait que se déplacer, il faudra que la cellule communiste voisine organise à son tour la garde. Comme dans les années 1970, quand un huissier de justice venait expulser une famille, toute la cité était dehors quelle que soit l’heure. L’huissier préférait laisser un exploit (papier inutile) que d’attaquer un groupe de manifestants. Les locataires n’étaient pas expulsés. Nous arrivons au terme heureux de notre pensée : Contre le désordre de la société provoqué par le capitalisme, la seule solution c’est le socialisme, sous la direction des communistes. Nous pensons vraiment que le segment populaire qui a le plus intérêt au socialisme, c’est le peuple des cités. C’est en lui que nous avons le plus confiance.
Communistus